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Entreprendre dans la tech au féminin : 6 dirigeantes de startups d’EuraTechnologies témoignent

8 mars 2021

Startup Entrepreneuriat féminin
EuraTech

Entreprendre dans le secteur des nouvelles technologies et du numérique n’est pas réservé aux hommes. Et pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2019, les femmes dirigeantes de startups représentaient moins de 10% de l’ensemble des dirigeant.es d’entreprise. À EuraTechnologies, elles ont osé sauter le pas et ont découvert que le secteur de la tech est accessible, mais qu’il y demeure des carences en modèles féminins auxquels s’identifier. Témoignages recueillis.

 

Le rapport  « Women in tech 2021 » de l’entreprise de cybersécurité Kaspersky vient de paraître et mentionne que 27,6 % des femmes de 18 à 24 ans travaillant dans la tech ont choisi leur profession grâce à l’inspiration d’un rôle modèle. Cette tranche d’âge, si elle est cruciale à convaincre pour l’amorce de carrières futures dans l’entrepreneuriat, n’est pas la seule concernée, les femmes représentant la moitié de la population française. Dès lors que l’on s’interroge sur la légitimité et la place des femmes dans un corps de métier, dans un statut social ou à des postes clés, il est nécessaire de prendre du recul sur nos sociétés occidentales. L’histoire de l’émancipation féminine a moins d’un siècle, si l’on comptabilise le droit de vote (1944), le droit de travailler sans l’accord du mari (1965) et la fin de la soumission pour les femmes à l’autorité du père et du mari (1970). Le modèle de la femme entrepreneure n’est ainsi pas ancré dans l’Histoire comme un « standard » mais plutôt comme une exception et les modèles de femmes puissantes constituaient jusqu’à il y a peu des modèles marginaux.

Le syndrome de l’imposteur, frein à l’entrepreneuriat au féminin

La sphère entrepreneuriale compte désormais des femmes leaders à travers le monde, mais il est plus aisé de citer, lorsque l’on parle par exemple des Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), des noms tels que Bill Gates, Jeff Bezos (ex-pdg), Mark Zuckerberg, Sundar Pichai, Tim Cook… En France, à ce jour, aucune femme ne siège à la tête d’une entreprise du Cac 40 et elles ne sont qu’une dizaine à la tête du SBF 120, les 120 entreprises françaises cotées en Bourse.

De nombreuses initiatives existent pour soutenir les femmes dans une carrière de dirigeante d’entreprise (fonds d’investissement, bourses de soutien, séminaires et événements dédiés) mais le changement a opérer est plus profond et plus sociétal. D’autres solutions consistent à travailler le sujet à la racine en incitant les jeunes femmes à s’intéresser aux perspectives de carrière dans l’IT, l’entrepreneuriat, les parcours d’ingénieur, le développement informatique, etc, dès le cycle collège-lycée pour accompagner un changement de mentalité global. L’impact est important au niveau économique, les femmes représentant 50% de la population et donc un fort potentiel en développement de carrières pour l’économie du territoire. Le souci n’étant pas un souci de compétences mais un souci de capacités à se projeter et à s’identifier dans des métiers qui ont depuis toujours été occupés par des hommes.

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Caroline Le Biez Ma GouvernanceEn témoigne Caroline Le Biez, fondatrice et CEO de Ma Gouvernance : « Dans le milieu de l’entrepreneuriat, les femmes ont tendance à sous-évaluer leurs réussites tandis que les petites victoires sont plus fréquemment célébrées chez les hommes  » décrit-elle. Une sorte de syndrome de l’imposteur qui a la peau dure chez les femmes entrepreneures et les empêche parfois d’aller à l’essentiel. Un syndrome qui pourrait prendre racine dans cette courte histoire de l’entrepreneuriat dans la mémoire collective des femmes. Caroline Le Biez raconte elle, être issue d’un milieu de « femmes qui restent à la maison » et faire partie des rares à avoir fait des études poussées (elle a exercé en tant qu’avocate en banque privée) de sa famille.

Laurence Joly Diag'nGrow

C’est en substance ce même syndrome qu’à ressenti Laurence Joly, co-fondatrice de Diag’n’Grow malgré une carrière précédente bien établie : « Dans ma carrière professionnelle  (15 ans à l’INPI), j’étais la seule femme pour des raisons de cheminement de compétences. Ça arrive. Mais dans l’entrepreneuriat, j’ai ressenti qu’on était peu de femmes à oser se lancer. Comme nous sommes peu, on se repère facilement et on est aussi plus facilement sollicitées.

Les femmes peuvent paraître moins ambitieuses, leurs critères de réussite ne vont pas être les mêmes que ceux des hommes. On se survend moins et on ne se pose peut-être pas les mêmes questions que les hommes quant à la prise de risque. Mais nos entreprises si l’on regarde les chiffres*, sont plus pérennes et rentables. » 

*D’après la dernière étude de la société d’investissement Women Equity Partners portant sur plus de 40 000 entreprises de taille moyenne, les entreprises avec des dirigeantes à leur tête seraient plus rentables de l’ordre de 32 %.

 

Antonia Bova PaprworkPour Antonia Bova, CEO de Paprwork, il ne faut pas tomber dans le travers de parler des femmes entrepreneures parce qu’elles sont des femmes : « Je veux que l’on parle de mon produit avant tout » assène-t-elle. Pour passer de la minorité à la normalité, l’entrepreneuriat au féminin doit monter en puissance avec le soutien des écosystèmes d’entrepreneuriat et les investisseurs : « J’aurais aimé rencontrer des fonds d’investissement dirigés par des femmes. Il existe par exemple des initiatives comme le Women’s Building à San Francisco qui combine fonds d’investissement, safe-place et lieu culturel et social dédié aux femmes » ajoute Antonia Bova. Pour remédier au manque de modèles féminins, la CEO s’investit notamment dans le parrainage d’une promotion de hackeuses avec l’école Simplon.

Un bonus d’entraide

Estelle Réau Cocotte Food TourLa nécessité de pouvoir s’identifier à des modèles féminins puissants a été l’élément déclencheur pour Estelle Réau, fondatrice de Cocotte Food Tour : « J’ai décidé de me jeter à l’eau en écoutant un podcast avec Agathe Cuvelier, fondatrice de la startup Les Cachotières, elle parlait d’EuraTechnologies, j’ai postulé au programme START après ça. » Elle explique : « Je n’en serais pas là où je suis si je ne l’avais pas entendue car Agathe Cuvelier représente non seulement l’entrepreneuriat mais le fait que l’on puisse être une femme et avoir un projet bâti autour de la tech. Mon sujet (Cocotte Food Tour) est lié au domaine de la gastronomie et du voyage mais basé sur une web app. J’ai dû apprendre les bases du code alors que je n’y connaissais rien. Tous ces langages informatiques me paraissaient un peu « geek » et au final, j’ai réalisé que je pouvais en apprendre suffisamment pour interagir avec les équipes de développement, comprendre les devis de mes prestataires et les comparer. »

Pour puiser de la force au quotidien, Estelle Réau écoute des dizaines de podcasts qui mettent en avant des femmes inspirantes. Elle admire notamment les profils des cheffes Hélène Darroze, Anne-Sophie Pic… Mais aussi la COO de Facebook, Sheryl Sandberg.

Estelle Réau décrit la force de l’écosystème, du réseau et de l’entraide qui existe à EuraTechnologies entre tous les entrepreneurs, hommes ou femmes et le petit plus relationnel qu’apporte la proximité entre femmes entrepreneures : « Agathe m’a prêté une tenue pour un shooting photo, Sophie de la startup Houbline était partenaire et a fourni des contreparties sur ma campagne de crowdfunding et j’ai également eu un coup de main de la part de Selmine Hirti, CEO de Primp. »

Une jeune génération confiante et audacieuse

Mathilde Garin SmartalogMathilde Garin, CEO de Smartalog, projet incubé au sein de l’incubateur YouM3dia, a 23 ans. Pour elle, l’entrepreneuriat est une évidence dès le plus jeune âge. Au collège, elle crée une mini-entreprise et participe très rapidement par la suite à des concours de pitchs. Elle a souvent eu le sentiment que son âge plus que son genre pouvait être perçu comme un obstacle à l’obtention d’une certaine légitimité. Pour autant, elle décrit une situation bien connue de toutes les femmes dirigeantes de startup ici interviewées, ce moment précis où elle se rappelle qu’elle est une femme chef d’entreprise : « Il m’arrive d’arriver pour pitcher la fleur au fusil et d’avoir le sentiment de perdre mes moyens lorsque je me retrouve face à un parterre d’hommes en costard-cravate, comme cela m’est arrivé au sein d’un club d’entrepreneurs de mon école de commerce ou au moment d’entrer en discussion avec des fonds d’investissement exclusivement masculins. »

Pour surmonter le « trac » induit par ces sorties de sa zone de confort, Mathilde Garin admet laisser sa personnalité de côté pour être le plus factuelle possible : « Je rentre dans le moule, alors que ce n’est pas mon style, je suis d’ordinaire assez détendue. Là, j’oublie mon sourire, les vannes et je reste sur une présentation pure et dure. » Elle différencie alors les retours qu’elle obtient sur son entreprise selon s’ils ont été obtenus en contexte tendu ou non : « A EuraTechnologies, quand les retours sont bons, je me dis qu’on est à la fois content de ce que j’ai donné de moi ET de la façon dont j’ai mené ma boîte. À l’extérieur, si j’ai dû faire ce type de présentation en contexte tendu, je me dis que c’est l’idée seule qui est perçue comme viable. »

Lucie Baude KoltrainLucie Baude est CTO et co-fondatrice de la startup Koltrain. Elle est passée par le batch 13 du programme START. Elle édite avec Rubén Garcia, son associé et CEO de l’entreprise, une application de podcasts pour le développement personnel et la formation des collaborateurs en entreprise. Ingénieure de formation sortie des bancs de l’ICAM, Lucie Baude connaît bien les milieux masculins. Comme Mathilde Garin, elle n’a pas ressenti de frein particulier à entreprendre et s’est lancée en saisissant une opportunité et au hasard de la rencontre avec son associé : « Pour moi, l’entrepreneuriat n’a pas été un saut dans le vide et l’environnement EuraTechnologies nous a rassurés, avec la proximité d’avocats, de comptables, la présence des startups managers… » Elle apprend à coder en React Native lors de son mémoire de fin d’études, dans un centre de recherche à Toronto. Sous la responsabilité d’un chercheur qui n’est pas forcément à la page de tous les développements récents des langages de programmation, elle se forme en autodidacte grâce à OpenClassrooms et Github.  Lors du lancement de Koltrain, elle décide de garder la main sur le développement et l’ergonomie de son app : « Ca fait toujours peur de coder soi même et en résolvant un problème, on tombe sur un autre etc etc… Mais cette logique de casse-tête à résoudre me plaît » apprécie-t-elle. Elle décrit l’entrepreneuriat comme un « luxe qu’elle s’est offert » : « Je me suis débrouillée pendant mes études, j’ai fait de l’alternance, des petits jobs… Je me suis sécurisée comme si je devais assurer quelque chose et il s’est avéré que c’est pour mon entreprise que j’ai économisé au final« . Pour Lucie Baude, l’entrepreneuriat, c’est « le métier de sa vie. » 

« J’ai de grosses ambitions pour mon projet. Le métier de mes rêves n’existe pas, je veux le créer. Et je me vois bien développer Koltrain toute ma carrière » se projette t-elle.